dimanche 9 août 2009

"Bataille avec les bus sous le regard des macaques"



Ségolène Royal et Serge Moati y ont dîné récemment. Le Satsanga (du sanscrit "ensemble") est l'incontournable rendez-vous des Français à "Pondi". "Le steak est extra, non ? Je vais chercher ma viande à 400 km d'ici, ce restaurant est ma passion" : Pierre Elouard, le patron, vous accueille avec la simplicité fraternelle d'un homme qui a vécu et connaît le monde.


Le gotha de la finance, des arts et de la politique passe à sa table, mais ce qui intéresse cet Arlésien de naissance, c'est la vie, avec un V majuscule. "Je suis en Inde depuis quarante ans, j'étais à la recherche d'un parcours spirituel, explique-t-il en savourant un jus de pastèque centrifugé. A l'époque, je n'avais pas un sou en poche. J'ai dormi sept ans dans les gares et mangé du riz tous les jours." On lui avait volé les 100 francs dont il disposait pour rentrer en France. "Une chance !, poursuit-il. J'ai cumulé les petits boulots et connu la rue, j'ai aussi fumé à Katmandou avant de participer à la fondation d'Auroville."
La ville de l'Aurore - 10 km au nord de Pondichéry - ou la construction d'une utopie : "Un lieu de paix où tous les êtres humains de bonne volonté puissent vivre librement en citoyens du monde." Aujourd'hui, le quartier de nombreux résidents français. Pierre cultive son jardin comme Candide, écrit des poésies, organise des festivals et se délecte de livres d'architecture.
Six heures à travers la savane
Il observe Chris-Passepartout et confirme sa ressemblance avec l'acteur Aamir Khan : "Tu vois, Christophe, Bollywood résume parfaitement la culture indienne. Le drame fait partie du scénario, comme dans nos films, mais un ballet vient le casser soudainement, parce que l'Indien veut croire que le bonheur est toujours possible." Il me parle de la passion de ce peuple pour l'or, symbole spirituel et statut social ("toutes leurs économies sont investies en métal précieux"), et de la conscience universelle de l'Indien : "Tu as remarqué que si tu lui donnes quelque chose, il ne te dit pas merci ? Ne t'en offusque pas, les codes de politesse formels et hypocrites de la vieille Europe sautent, ton geste lui paraît naturel entre frères."
Une nuit violette caressait les villas blanches de "Pondi" quand nous sommes rentrés. Ce matin, je savais que l'étape serait longue. Presque six heures de vélo à travers la savane du Tamil Nadu, la plaine râpeuse qui embrasse les collines Javadi entre Pondichéry et Vellore. Ma bataille avec les bus, les camions de canne à sucre et les tracteurs continue sous le regard de macaques pendus aux branches des banyans. Des groupes de femmes courbent le dos pour gratter la terre. Vert pomme, rose, émeraude, jaune, orange, bleu : leurs saris colorés sont des arabesques sur la toile de l'horizon. Kandinsky n'aurait pas fait mieux.

www.guillaumeprebois.com Parcours réalisé en collaboration avec Didier Sandman, http://www.laroutedesindes.com/






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